Elections en Espagne :
la crispation politique

S’il y a un mot qui définit bien la situation politique espagnole ces dernières années, c’est crispation. Du couloirs du Congrès au magasin du coin, des journaux télé aux pauses cafés, des journalistes politiques aux chauffeurs de taxi, des qu’on mentionne la politique, les coeurs s’enflamment. C’est presque impossible de rester neutre, tout vous force à choisir un camp.

La crispation

Un bon ami à moi est récemment parti à Madrid pour une mission de quelques mois, et il me raconte qu’une des choses qui le surprend le plus est l’omniprésence de la politique dans la vie quotidienne espagnole. La plupart des français qui ont débarqué en Espagne ces dernières années ont fait le même constat, la politique espagnole est très polarisée et l’agressivité entre les deux partis majoritaires, le PP et le PSOE, va beaucoup plus loin que les accrochages entre l’UMP et le PS ici.

Il faut dire que cette crispation ne vient pas d’hier, je me souviens bien les débats houleux au Parlament en 1989, avec José María Aznar qui accusait à Felipe González d’être le cerveau derrière les GAL et lui demandait de démissionner au cri de “¡Váyase, señor González!”, “Partez, monsieur González !”.

Mais depuis 2004, le niveau de crispation n’a pas cessé d’augmenter. Les attentats du 11-M, à trois jours des législatives, ont été un point d’inflexion dans la vie politique. Des le lendemain, des élections du 14-M Espagne s’est divisé dans deux camps presque irréconciliables, où tous les coups étaient permis, ou presque.

Ensuite, tout au longue de la législature, le ton montais au rythme des différentes actions du gouvernement, très soutenus par une partie de la population et considérées aberrantes par l’autre. La loi sur la mémoire historique, le mariage homosexuel, la réforme statut de Catalogne et surtout la négociation avec l’ETA ont contribué tour à tour à exacerber les esprits et accentuer cette crispation.

Et c’est dans cette ambiance de crispation que les deux leaders politiques se sont affrontés lundi dernier, deux candidats qui se connaissent bien, qui se détestent, qui s’affrontent jour au jour au Parlament depuis presque quatre ans.

Le débat
Image TV

Je me permets d’ajouter un commentaire personnel, qui n’engage que moi. Toute cette crispation politique est tellement plus inquiétant que ça va contre les piliers sur lesquelles l’Espagne démocratique est bâtie. Lors de la mort de Franco, toutes les forces politiques, de la droite aux communistes en passant par les nationalistes, ont fait un pacte. Pour éviter les actes de violence et de vengeance, tous ont cédé dans quelques points pour établir un cadre constitutionnel dans lesquelles tous les espagnols puissent cohabiter indépendamment de leurs sensibilités politiques.

La transition n’était donc pas une vraie réconciliation, plutôt un accord pour lequel les vainqueurs de la Guerre Civile acceptaient de passer à un régime démocratique et pluriel en échange de quoi les perdants acceptent de ne pas chercher vengeance ou réparation. Un pacte pour couvrir d’un lourd voile les années de la Guerre Civile et le franquisme et établir une nouvelle base sur laquelle construire une société démocratique qui ne soit pas plombé par les querelles du passé.

Et ces dernières temps il semblerait que, autant d’un côté comme de l’autre, ils sont près à ouvrir la boîte de Pandora pour des intérêt partisans. J’espère seulement que lorsque la nouvelle génération, née déjà en démocratie, arrivera au pouvoir, on pourra enfin tirer un trait sur le passé…

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Un commentaire à “Elections en Espagne :
la crispation politique”

  1. ACEITUNO Says:

    Bonjour,
    Je suis Franco-espagnol et je veux dire qu’il sera impossible à l’Espagne(aux deux Espagnes) d’établir une véritable société démocratique moderne si elle ne fait pas une fois pour toute la paix avec le passé franquiste. Qu’entends-je?
    Dire et admettre par les “vainqueurs” que oui l’Espagne de la 2ème République a été victime d’un coup d’état dont le but était pour la bourgeoisie “terrateniente” espagnole d’écraser les”bolchéviques” et d’installer les valeurs “traditionnelles” de l’Espagne fondée sur l’Eglise.
    Tant que les crimes des deux camps ne seront pas reconnus, l’Espagne ne pourra jamais retrouver la paix intérieure. Il faut cette psychothérapie analithique pour que l’Espagne sorte de sa maladie névrotique.
    Je dis bien les crimes des deux camps. Que les victimes de ces atrocités soient citées reconnues et réhabilitées. Qu’un grand mémorial de la reconciliation soit élevé en mémoire des espagnols des deux camps qui sont morts pour une certaine idée de l’Espagne.
    Le pacte de la Moncloa est une tentative de renier le passé qu’on ne veut plus voir dans les méandres de l’inconscient collectif. Mais toujours, oui toujours, il resurgit dans le conscient.
    Qu’on démolisse le mémorial del”Valle de los caidos” qui n’est qu’un mémorial à la gloire des vainqueurs et qu’on y élève un mémorial de fraternisation nationale espagnole à la mémoire de ceux qui sont morts pour une certaine idée de l’Espagne.
    Thomas ACEITUNO

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